Tarification sociale: tout le débat!

Le droit à l'eau pour tous est loin d'être une réalité en France: pour les plus démunis, l'eau peut représenter près de 10% de leur budget, selon une enquête récente en Île-de-France! Comment le mettre en oeuvre sans plus attendre? Un débat ouvert à la Fête de l'Humanité le 12 septembre 2009, avec différentes propositions de tarification sociale, parfois opposées. Et, question décisive, le financement: qui doit payer? Les usagers et les contribuables, comme d'habitude, ou aussi les multinationales de l'eau? Les images du débat qui suivent vous permettront de découvrir et de confronter les propositions qui alimentent la réflexion actuelle.

INTRODUCTION au débat
Jacques Perreux, vice-président du Conseil général du Val-de-Marne, chargé de l'eau, de l'assainissement, du développement durable et des énergies renouvelables.
LA LOI ACTUELLE:POURQUOI CHANGER? Actuellement il existe une aide à l'impayé pour les factures d'eau, qui se fait dans le cadre des aides du Fond de Solidarité Logement. Mais ce dispositif ne concerne qu'une partie infime des familles concernées. Dans les faits, le droit à l'eau n'est pas reconnu malgré les intentions affichées par la Loi sur l'eau et les milieux aquatiques (LEMA) de 2006.
Lire l'article "Tarification sociale de l'eau: S-Eau6S dénonce le scandale de l'actuel système d'aide"

Les PROPOSITIONS pour une NOUVELLE LOI sur la TARIFICATION de L'EAU Christian Cambon, sénateur (UMP), maire de Saint Maurice (94) et premier vice-président du Syndicat des Eaux d'Ile-de-France (SEDIF), défend une proposition de loi visant à instaurer un nouveau système de solidarité pour l'eau etl'assainissement, facultatif et à la charge des usagers et des communes. Tout le contraire d'un droit! Lire l'article: "A propos du projet de loi Cambon" Lire la proposition de loi de C.Cambon Daniel Marcovitch, conseiller de Paris, ancien député(PS), vice-président de l'Observatoire des usagers de l'assainissement (Obusass) mis en place par le Syndicat inerdépartemental pour l'assainissement de l'agglomération parisienne 'SIAAP) défend une proposition qui consiste "à fixer un seuil abordable du poids de la charge de l'eau à savoir 3%" par le versement par les CAF d'une allocation eau qui compenserait les dépenses au sélà du seuil". Voir la proposition de l'OBUSASS Lire l'article de soutien à la proposition de l'OBUSASS, paru dans le Monde. Jean-Claude Oliva, président de la Coordination eau Ile-de-France, constate que la facture d'eau creuse les inegalités sociales et que le système d'aide actuel ne fonctionne tout simplement pas. Il souhaite la mise en place d'une tarification progressive avec une première tranche gratuite, socialement et écologiquement plus juste. Lire la proposition de la Coordination eau Ile-de-France Tristan Matieu, président de la commission économique de la fédération professionelle des entreprises de l'eau (FP2E), directeur délégué aux relations contractuelles de Veolia Eau, souhaite le maintien d'une tarification dégressive, pour ne pas perdre les meilleurs clients, c'est-à-dire ceux qui consomment le plus.

DÉBAT AVEC LE PUBLIC
Le premier intervenant souligne que, souvent, la gestion publique de l'eau est beaucoup moins couteuse que la délégation aux entreprises privées:

Membre de la Coordination eau Ile-de-France, Marc Laimé est journaliste et consultant, spécialisé en gestion de l'eau. Il dénonce l'absence d'une réflexion sur le plus long terme: "je me permets d'attirer votre attention sur ce qui me semble être un point mort de ce débat (...) le modèle économique du service de l'eau, qui a vu le jour il y a un siècle, est à bout de souffle. On na va plus pouvoir continuer à assurer le financement des politiques publiques de l'eau avec le facture de l'usager ...


Lire l'article de Marc Laimé "Comment les politiques publiques de l'eau pourront-elles éviter la faillite?"
TOUTES LES RÉACTIONS DU PUBLIC

PROLONGEMENTS et CONCLUSION du DEBAT
Les invités reviennent sur leurs propositions, pour mieux identifier les points d'accord ainsi que les clivages... Christian Cambon (Senateur UMP)

Daniel Marcovitch (OBUSASS)

Jean-Claude Oliva (Coordination eau Ile-de-France)

CONCLUSION
Jacques Perreux
(Conseil général du Val-de-Marne)

Pour une tarification sociale de l'eau

Pour une tarification sociale de l'eau

LE MONDE | 14.09.09

Souvent évoquée, rarement proposée de façon concrète, la mise en place d'une tarification sociale de l'eau est de ces sujets qui reviennent régulièrement dans le débat public sans jamais aboutir.
Et pourtant, ce n'est pas faute d'entendre les plus précaires, sur lesquels pèse le poids grandissant de la facture d'eau, relayés par le monde associatif et caritatif et par de nombreux élus locaux, réclamer depuis longtemps dignité, équité et accès aux droits essentiels à la vie.
Si ce bien commun qu'est l'eau a effectivement un coût, évalué à l'aune, notamment, d'impératifs de sécurité et de qualité que nul n'entend remettre en cause, garantir son accessibilité ne devrait pas avoir de valeur pour une société développée qui revendique l'égalité.
Aujourd'hui, la crise économique et sociale qui frappe notre pays, et en premier lieu les plus démunis, fait du sujet de la tarification sociale de l'eau un enjeu capital et urgent. Sa mise en place ne doit plus souffrir de délai.
Car une vraie politique de justice sociale n'aurait pas attendu une telle dégradation de la conjoncture pour reconnaître dans ses textes un droit d'accès à l'eau et garantir ainsi pour tous un usage de ce bien vital.
Mais parce que la crise pèse d'abord aujourd'hui sur les épaules de ceux qui ont le moins, que la souffrance sociale appelle à réagir vite, il nous revient en tant qu'élus, du local au national, de balayer les arguments politiques, administratifs ou financiers régulièrement avancés par ceux pour qui tout est toujours trop compliqué. Car, pour nous, une solution existe.
Il ne s'agit plus en effet de se limiter à une démarche curative en alimentant le Fonds de solidarité pour le logement par l'intermédiaire des collectivités, pour qu'elles distribuent les fonds d'impayés d'eau, source d'inégalités territoriales puisque conduites en fonction des politiques locales ou départementales. Il s'agit de mettre en place un dispositif qui soit un droit d'accès à l'eau versé par les Caisses d'allocations familiales (CAF) au même titre que l'aide personnalisée au logement et l'allocation-logement.
Ce droit pourrait être attribué à tous les allocataires des minima sociaux titulaires d'une facture, sous forme d'aide directe ou versée aux bailleurs pour le logement collectif qui le déduiraient ainsi du calcul des charges. Outre de favoriser une meilleure équité territoriale, ce droit permettrait une baisse immédiate et sensible du coût de la facture d'eau pour les foyers les plus modestes.

Mesure concrète et réaliste

Si certains acteurs, comme nous, réfléchissent actuellement à cette possibilité et étudient ses voies de mise en oeuvre, ces réflexions permettent aujourd'hui d'envisager de faire de cette proposition une mesure sociale concrète et réaliste, immédiate, y compris dans le cadre d'un projet de loi. C'est pourquoi il faut lui donner un poids politique qui crée les conditions législatives de la décision. C'est le sens de notre démarche.
Techniquement, il ne fait aucun doute que ce recours aux CAF offre la garantie d'une mise en oeuvre simple et efficace, car appuyée sur les outils informatiques de ces organismes, qui disposent déjà des paramètres et des données sociales de chaque allocataire.
Au-delà, il s'agit d'assurer la viabilité et la pérennité budgétaires de cette mesure, l'objectif étant de garantir aux CAF les moyens de son financement. Cela passerait par un nouveau mode de financement, et notamment par la création d'un fonds régional garantissant un versement à chacune des CAF départementales, ce fonds étant alimenté par les distributeurs et grands groupes, les syndicats d'eau et d'assainissement, les collectivités territoriales et l'Etat selon le principe de la solidarité nationale.
Ainsi, le poids financier de cet accès quotidien à un bien pourtant vital ne pèserait plus uniquement sur les épaules des usagers, et notamment sur celles des plus fragiles. D'autant que la mise en oeuvre de cette nouvelle mesure obligerait les grandes compagnies aux profits insolents à participer au financement de ce nouveau droit à l'eau.
Cette mesure, par ailleurs, doit s'accompagner d'aides publiques dans le cadre du Grenelle de l'environnement, qui visent à encourager toutes les formes d'économie de la ressource.
Nous considérons donc qu'il est urgent d'agir pour mettre en place ce dispositif et en définir les modalités administratives. Il s'agit d'une question de volonté politique, car notre proposition est juste.

Maurice Ouzoulias, président du Syndicat interdépartemental pour l'assainissement de l'agglomération parisienne, conseiller général du Val-de-Marne ; Eliane Assassi, sénatrice de Seine-Saint-Denis ; Nicole Borvo, sénatrice de Paris, présidente du groupe communiste, républicain, citoyen et parti de gauche ; André Chassaigne, député du Puy-de-Dôme et président de l'Association des élus communistes et républicains ; Roland Muzeau, député des Hauts-de-Seine ; Gilles Poux, vice-président du Syndicat des eaux d'Ile-de-France, maire de La Courneuve